Isabelle a un cancer du foie et en parle
Cancer du foie

« Je préfère considérer que j’ai eu de la chance »

Quand le médecin lui annonce que l’adénome qu’on lui a retiré du foie est malin, Isabelle a 33 ans et tient son bébé sur ses genoux. Après une phase de sidération, cette optimiste de nature décide de ne pas se laisser abattre.

Témoignage d'Isabelle

« Parfois, il m’arrive de regarder mes enfants et de me dire `les choses auraient pu se passer autrement`, confie Isabelle. J’aurais pu ne plus être là ou avoir été beaucoup moins présente pour eux. Mais cela n’a pas été le cas, j’ai eu beaucoup de chance. » Âgés de 10 et 12 ans, ses enfants savent que leur maman a été opérée à deux reprises pour lui retirer une « méchante boule ». Ils ne saisissent cependant pas les risques que peut représenter un cancer du foie. « Et c’est tant mieux, souligne cette enseignante. Ils comprendront tout cela plus tard. »

 

Un masse découverte lors de l’accouchement

Lorsqu’Isabelle retrace son cheminement, le mot « chance » revient régulièrement. Ou plutôt « chance » dans la « malchance » : en 2014, alors qu’elle accouche de son deuxième enfant, la sage-femme découvre une masse dans son abdomen et lui prescrit une échographie du foie. « À ce moment-là, on m’a dit que ce n’était pas inquiétant, que c’était hormonal. On m’a tout de même recommandé de faire une IRM une fois l’allaitement terminé. » La jeune femme, alors âgée de 33 ans, revient donc à l’hôpital trois mois plus tard. Les images montrent que la masse mesure sept cm : « Pour l’équipe médicale, il s’agissait d’un adénome inoffensif mais qu’il fallait enlever en raison du risque d’hémorragie. Cette nouvelle ne m’a pas vraiment stressée. Le plus dur était de m’éloigner une semaine de mes enfants. »

L’opération va représenter une épreuve difficile pour la jeune maman, qui a ressenti beaucoup de douleurs et de nausées. De retour chez elle, elle n’est de plus pas autorisée à porter ses enfants durant six semaines. Mais elle bénéficie heureusement d’un entourage soutenant, son mari et sa mère étant très présents. Son état s’améliore au fil des semaines et elle envisage le rendez-vous post-opératoire avec son gastro-entérologue comme une formalité. « Je pensais que cela ne prendrait que quelques minutes et je n’ai pas organisé la garde des enfants. Nous y sommes allés avec mon mari et nos petits âgés de 2 ans et 4 mois. Je me rappellerai toujours du moment où le médecin m’a annoncé que ce qu’on m’avait retiré du foie était une tumeur cancéreuse. J’avais mon bébé sur les genoux et j’ai éclaté en sanglots. Je ne comprenais pas ce qui se passait. »

Isabelle avec ses enfants au carnaval.

Ne pas se considérer comme une victime

Mais son médecin lui annonce d’emblée une bonne nouvelle : la tumeur a été retirée et à partir de là, aucun traitement n’est nécessaire. Isabelle devra juste se soumettre à des échographies de contrôle tous les six mois. Après le choc de l’annonce, son attitude positive reprend rapidement le dessus : « L’optimisme est un trait de caractère que j’ai toujours cultivé au quotidien. J’ai préféré voir le verre à moitié plein et ne pas me considérer comme une victime car dans le fond, j’ai eu de la chance. Je suis très consciente que d’autres personnes vivent des épreuves bien plus dures que moi. » Les contrôles semestriels ne provoquent pas d’anxiété chez elle. Elle fait totalement confiance aux médecins et se sent reconnaissante d’avoir accès à des soins à la pointe qui permettraient de gérer rapidement une éventuelle récidive.

Les années passent et Isabelle ne change pas grand-chose à son mode de vie. « J’ai toujours été assez active et je mange équilibré, sans être obsédée par ma santé non plus. J’ai juste arrêté les sodas, que j’appréciais un peu trop ! » (rires). Ses enfants grandissent, puis les contrôles de son foie s’espacent pour devenir annuels. En 2021, huit ans après son opération, l’équipe médicale s’est même posé la question de la nécessité de continuer ces checkups, le risque de récidive étant devenu quasiment nul. Au final, il a quand même été jugé préférable de les maintenir. 

« J’ai eu beaucoup de chance que les contrôles de mon foie soient maintenus malgré un risque de récidive quasiment nul. »

Isabelle

Une récidive inattendue

Isabelle considère que là encore, une bonne étoile a veillé sur elle. Car deux ans plus tard, en décembre 2023, l’échographie révèle la présence d’une masse de quatre cm dans son foie. « J’ai déjà eu beaucoup de chance qu’une sage-femme détecte la première tumeur. Et pour la seconde, que les contrôles aient été maintenus. Dans les deux cas, cela a évité que la maladie ne s’aggrave. » Lorsque son médecin lui annonce la présence de la seconde tumeur, sa plus grande crainte concerne les éventuelles métastases. Des examens supplémentaires sont rapidement organisés, qui confirment leur absence. « J’étais rassurée, mais en même temps déprimée à l’idée de devoir repasser par l’épreuve de l’opération. Heureusement, le professeur Otto Kollmar de l’Hôpital universitaire de Bâle m’a annoncé que j’allais être opérée par le robot da Vinci, qui permet une chirurgie plus précise et un séjour raccourci à l’hôpital. Cela m’a donné du courage. J’ai toutefois refusé de me faire opérer juste avant Noël, cette fête étant très importante pour moi, autant à l’école que dans ma famille. » L’intervention aura donc lieu quelques jours après et se déroule parfaitement, malgré un séjour hospitalier prolongé en raison d’un risque d’hémorragie.

Isabelle avec sa famille aux vacances de ski

De retour à la maison, Isabelle se rétablit bien et reprend rapidement sont travail. « Je dois désormais contrôler mon foie tous les trois mois. C’est vraiment un moindre mal. Cela ne change pas grand-chose à ma vie, ni à mes perspectives d’avenir. »  Les oncologues considèrent qu’Isabelle représente un cas particulier. Car ses tumeurs se sont développées alors qu’elle était jeune et que son foie était sain. Paradoxalement, c’est la seule ombre au tableau qu’elle ressent : « Les médecins n’arrivent pas à expliquer la cause de ma malade et pourquoi une tumeur est réapparue dix après la première intervention. Ils m’ont toutefois fortement déconseillé de reprendre un contraceptif hormonal car il s’agit de l’une des causes possibles. Cela m’interroge pour moi, mais aussi pour ma fille : prendre la pilule pourrait-il avoir des effets négatifs sur sa santé ? Nous nous renseignerons bien sûr en temps voulu. En attendant, j’ai autorisé des chercheurs à utiliser mes prélèvements pour faire avancer la science. »

Geneviève Ruiz
Date: 02.04.2024