Les gens vivent avec le cancer et certains en meurent, mais il ne faut pas avoir peur.
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Cancer: De quoi meurt-on vraiment?

Expert en cancer et en fin de vie, médecine palliative.

KD Dr Beat Müller
Responsable de la médecine palliative
et codirecteur médical de l’oncologie
Hôpital cantonal de Lucerne.

L’idée de mourir d’un cancer s’accompagne souvent de peurs et de malentendus. Beaucoup de personnes et leurs proches redoutent des douleurs et une longue agonie. Mais comment meurt-on réellement d’un cancer?

Le Dr Beat Müller, expert en soins palliatifs et oncologie, nous donne un aperçu de la réalité du processus de décès et explique comment les soins palliatifs peuvent soutenir les personnes concernées.

 

Le Dr Müller explique

 

Quelles sont les idées fausses ou les craintes les plus fréquentes chez les patient·e·s et leurs proches?

Dr Beat Müller: L’une des plus grandes peurs est que le processus de décès dû au cancer soit accompagné de douleurs intenses ou provoque un étouffement. Beaucoup de gens craignent également de devenir très dépendants des soins et de ne plus pouvoir rester chez eux.

 

Ces préoccupations sont-elles fondées?

Dr Müller: Il n’existe pas de «méthode de décès» unique pour le cancer. Le déroulement dépend fortement du type de cancer, des organes touchés et des maladies associées. Il se peut que quelqu’un ne meure finalement pas du cancer lui-même, mais de maladies secondaires, comme des problèmes cardiovasculaires, surtout chez les personnes âgées.

« L'information et la sensibilisation sont essentielles. »

PD Dr. med. Beat Müller

Quand on meurt du cancer, de quoi meurt-on exactement?

Dr Müller: Cela dépend fortement des organes touchés. Par exemple, si le foie ou les reins (y compris les voies urinaires) sont envahis par des tumeurs ou des métastases, on assiste à une défaillance organique. Ces organes vitaux perdent peu à peu leur fonction. Le processus de décès par insuffisance hépatique ou rénale est souvent plutôt calme et peut être bien accompagné par la médecine palliative. Si les poumons sont touchés, cela peut entraîner une accumulation de liquide dans la plèvre, provoquant ainsi des difficultés respiratoires et de la toux. L’atteinte pulmonaire augmente également le risque d’infections. Dans de tels cas, nous discutons avec les patient·e·s et leurs proches de la pertinence d’un traitement antibiotique ou de la possibilité de laisser une pneumonie suivre son cours naturel.

 

Pourquoi un organe cesse-t-il de fonctionner lorsqu’il est touché par un cancer?

Dr Müller: Un organe cesse de fonctionner parce que les cellules tumorales remplacent progressivement les tissus sains. Ces cellules cancéreuses n’assument pas la fonction de l’organe affecté, mais bloquent sa capacité à fonctionner jusqu’à ce qu’il ne puisse plus accomplir ses tâches vitales.

Comment meurt-on vraiment du cancer ?

Y a-t-il d’autres mécanismes par lesquels les tumeurs altèrent le corps?

Dr Müller: Oui, les tumeurs peuvent également affecter la coagulation sanguine, ce qui entraîne un risque accru de thrombose et d’embolie. Cela peut, par exemple, conduire à une embolie pulmonaire. D’un autre côté, une coagulation sanguine perturbée peut générer des hémorragies internes. Dans ces cas, il est également nécessaire de bien évaluer s’il convient encore de prendre des mesures pour arrêter les saignements ou s’il vaut mieux laisser la maladie suivre son cours naturel. Par des mécanismes parfois complexes, les cancers avancés engendrent aussi de la fatigue, une perte d’appétit et même de la fièvre.

 

Que peuvent faire les soins palliatifs pour soutenir les patient·e·s à ce stade?

Dr Müller: L’information et l’éducation sont nos stratégies les plus importantes. Étant donné que le processus de décès est entouré de beaucoup d’incertitudes, il est tout à fait naturel d’en avoir peur. En impliquant étroitement les personnes concernées et en communiquant de manière transparente, nous pouvons atténuer beaucoup de ces craintes – et c’est souvent déjà un grand soulagement. Nous offrons également une bonne gestion des symptômes et travaillons au sein d’une équipe pluridisciplinaire composée de médecins, d’infirmier·ère·s, de psychologues, de conseillères et conseillers spirituels, de physiothérapeutes et de diététicien·ne·s. Les patient·e·s et leurs proches peuvent décider, elles·eux-mêmes, de ce qui leur apporte du réconfort à cette étape.

 

Arrive-t-il que des patient·e·s atteint·e·s de cancer souffrent malgré tout de douleurs intenses et, dans ce cas, comment les soins palliatifs interviennent-ils?

Dr Müller: Les métastases osseuses peuvent être très douloureuses, tout comme d’autres métastases et tumeurs qui exercent une pression sur les nerfs. La thérapie moderne de la douleur offre de nombreuses solutions – des comprimés simples aux perfusions, en passant par des injections dans le canal rachidien. Des mesures non médicamenteuses comme la radiothérapie ou la physiothérapie peuvent également aider. L’essentiel est que nous traitions la douleur rapidement et de manière individuelle.

Nous expliquons comment on meurt du cancer.

Peut-on parler d’une «bonne mort» liée au cancer?

Dr Müller: Il n’y a pas de standard du décès par le cancer, et nous ne pouvons pas contrôler entièrement le processus de mort. Les soins palliatifs ont pour vocation d’examiner avec les patient·e·s l’évolution naturelle de la maladie et de discuter des réponses appropriées aux complications potentielles. Cela inclut également de parler ouvertement des limites des traitements et du choix conscient de renoncer à certaines interventions.

 

Même s’il n'existe pas de processus de décès standardisé, comment peut-on l’imaginer?

Dr Müller: Dans la dernière phase de la vie, les patient·e·s deviennent de plus en plus fatigué·e·s et se retirent. Le besoin de nourriture et de liquide diminue et souvent, ils·elles cessent complètement de manger et de boire. La respiration devient plus superficielle et irrégulière, et d'autres fonctions organiques, comme la production d’urine, s’affaiblissent progressivement. Les soins palliatifs jouent un rôle clé à ce stade en soulageant des symptômes tels que l’agitation ou la difficulté à respirer et en veillant à ce que le processus de décès soit aussi paisible et indolore que possible. L’objectif est d’accompagner les patient·e·s et leurs proches de manière bienveillante et de leur permettre de se dire adieu dans la paix et la dignité.

Sandra Huber
Date: 07.10.2024